Celui qui n’apprend pas

la science véritable

fait tinter les clochettes

de son bonnet de fou

et est tenu en laisse

traîné par la folie

………………………..

Je l’épargnerais pas

la gent estudiantine,

toute fière d’avance

de porter le béret

qui au moindre frisson

fait tinter son grelot,

car dès qu’il faut s’astreindre

à un travail sérieux,

les étudiants préfèrent

aller faire la noce.

Ils ne font pas grand cas

des sciences et des lettres :

ils aiment aujourd’hui

être leur propre maître

et choisir à leur gré

ce qu’il convient d’apprendre,

même sans résultat

et sans utilité.

Les magisters non plus

ne s’intéressent guère

aux bases du savoir,

exerçant leur babil

à la logomachie,

essentielle à leurs yeux :

y a-t-il eu d’abord

le jour ou bien la nuit ?

L’homme a-t-il créé

le jour ou bien la nuit ?

L’homme a-t-il créé l’âne ?

Socrate ou bien Platon

ont-ils tournés en rond

comme fit Aristote ?

Voilà les nobles choses

qu’on acquiert en payant

dans une Haute École.

Ne sont-ce pas des fous

franchement imbéciles

par dessus le marché,

qui, jour et nuit, d’urgence,

tourmentent leur cervelle

avec celle des autres,

ne donnant pas un liard

d’un savoir profitable ?

C’est pourquoi Origène

en parlant d’eux déclare :

« Ils sont de vraies grenouilles

ou d’agaçants moustiques,

qui-chacun le sait bien-

empestèrent l’ Égypte. »

Voilà comment les jeunes

tuent bêtement le temps

en passant de Leipzig

à Erfurt ou à Vienne,

ou bien à Heidelberg,

à Mayence et à Bâle,

et reviennent penauds

comme des chiens battus,

la queue entre les jambes

et l’oreille pendante.

Et s’ils n’ont plus d’argent,

ils sont encore contents

de pouvoir s’engouffrer

droit dans l’imprimerie,

ou de pouvoir servir

du bon vin aux clients :

messire l’étudiant

devient un pauvre sire.

Voilà un placement

des investissements :

accrocher des clochettes

aux bérets d’étudiants !

Sébastien Brant

La Nef des Fous – 1494

Chant 27 (112 en tout)