Georges (IV) Stroh

Georges IV Paul Louis STROH (1853 – 1926)

Note d’introduction: le texte est celui de l’hommage rendu lors de ses obsèques, agrémenté par des photos et documents familiaux. Auteur(s) de ce texte non relevés sur le document dactylographié. C’est le Grand-Père du Georges de Pau que l’on a nommé Georges V sur le site !

Georges Parisien, mais Ottwillerien de cœur

Georges IV STROH naquit le 21 novembre 1853 aux confins de la Lorraine dans le petit village d’Ottwiller où son père, Jean Georges III STROH, avait une tannerie. Par sa mère, née Louise DANNENBERGER, il descendait d’une lignée de pasteurs. Son enfance fut douce et heureuse : à 4 ans il eut la joie de saluer une petite sœur dans son berceau : Anna STROH fut d’abord sa petite, puis sa grande compagne avec laquelle il partagea tout, peines et Joies. Georges et Anna n’étaient pas seuls : ils ont eu le très grand privilège de voir grandir en même temps qu’eux de nombreux cousins. L’un d’eux surtout devait devenir par la suite le grand ami : Charles WAGNER. Cette Joyeuse bande d’enfants remplissait la tannerie, le village et ses environs de ses ébats, et plus tard Georges aimait à conter avec humour les bons jours d’autrefois, où la nature entière semblait n’être que le royaume ensoleillé de ces heureux enfants. Il aimait passionnément son coin de terre natale, et si, dans la suite, il Jouissait tant de la campagne, c’est parce que la verdure, les forêts, et surtout les sapins, les bonnes senteurs pénétrantes des bois, l’écho des montagnes tout lui rappelait Ottwiller. Ce nom évoquait pour lui ce qu’il y a de plus beau : le printemps de la vie, la tendresse caressante de ses parents, la généreuse camaraderie, l’éclosion de tout l’être sous le soleil resplendissant du Bon Dieu. Joie, affection, liberté, tel fut le drapeau de son enfance que son cœur vit toujours flotter au grand vent de Lorraine sur le clocher trapu de son village.

Mais hélas ! il fallut partir : ce furent les années d’études, d’abord chez le pasteur KROMAYER, puis à Phalsbourg, ou le vieil ERCKMANN racontait, entre 2 bouffées de sa grande pipe, des histoires de l’épopée napoléonienne; enfin à Strasbourg, où le Jeune Georges STROH était en train de passer son baccalauréat quand sonna le tocsin de 1870.

Quel retour précipité au pays ! Toute la famille traversa des mois d’angoisse. La Petite Pierre, Bitsche, Froeschwiller sonnaient comme le glas de la défaite prochaine. Ottwiller ne fut pas épargné par l’envahisseur et Georges et son père ne doivent leur salut qu’à leur sang-froid et leur hardiesse. Ces jours d’épouvante planèrent toujours dans le souvenir de Georges et contribuèrent sans doute plus tard à l’orienter vers un immense désir de paix entre les hommes. Après cette terrible secousse, on l’envoya a l’école de commerce de Mulhouse et en 1872 ce fut la tragique séparation de tout ce qui lui était cher : il était à la veille de faire son service militaire et il n’aurait pu supporter l’idée de mettre un autre uniforme et de défendre un autre drapeau que celui de son pays. Il ne voulait pas non plus être déserteur, car sa nature si loyale, si franche, si simple ne le lui aurait pas permis : ce fut donc l’option. Toute la famille prit un Jour la route de la route de la France, le cœur meurtri, et chercha à se refaire son nid, d’abord de branche en branche, Jusqu’à ce qu’elle trouvât un abri stable à Paris, où Georges l’avait devancée depuis quelques années.

Là, il entra dans le commerce, et après quelques tâtonnements au cours desquels il eut l’occasion de faire de nombreux voyages à travers presque toute l’Europe et de satisfaire sa curiosité bienveillante toujours en éveil, il s’installa pour son compte.

L’année 1886 fut marquée par une grande Joie : le 16 mars il épousa Mademoiselle Emilie ORTLIEB, de Ribeauvillé, qui fut, comme vous le savez tous, chers amis, la compagne la plus dévouée, la plus douce, la plus sereine qu’il soit possible, aplanissant toutes les difficultés, veillant à tout avec une sollicitude Jamais lassée, et répandant autour d’elle les trésors inépuisables de sa bonté. Elle fut d’ailleurs payée de retour, et si aujourd’hui son cœur est brisé, son affection, sa reconnaissance, son attachement nous émeuvent.

Faire Parts « stylés » du Mariage de Georges IV et Émilie

Georges IV et Émilie(~15 ans après le mariage)

Des évènements heureux vinrent illuminer la vie souvent déprimante des affaires ; en 1887, ne fut la naissance de son premier enfant, Henri, l’année suivante marqua l’arrivée du second, Louis, et en 1892 les frères, déjà grands garçons choisirent le nom d’une petite sœur, Georges s’abandonna à la douce Joie d’être père, comme plus tard d’être grand- père ; il aima ses enfants et ses petits-enfants de toute son âme et rien ne lui faisait un plaisir plus vif que les satisfactions qui les concernaient.

Certificat de Naissance de Madeleine
Henri, Jean-Louis et Madeleine avec Tante Anna vers 1898

Toutefois sa vie de famille fut parfois assombrie par des deuils : il souffrit beaucoup de la mort de sa mère, si tendrement aimée, de son père, qu’il avait eu la consolation d’entourer pendant de longues années et surtout de sa sœur, Anna, arrachée a la vie dans la force de l’âge, et qui était pour lui non seulement l’amie fidèle et pleine d’entrain, mais encore la confidente et la conseillère.

Anna

Cependant, la vie de famille et les affaires n’absorbaient pas a elles seules Georges. son cœur aimant, enthousiaste, généreux et dévoué était, né pour le sacrifice aux bonnes causes. Peu de temps après son arrivée à Paris, il fit partie du petit cercle intime et zélé qui entoura Tommy BALLOT. Puis , à l’heure où Charles WAGNER était encore un inconnu et un méconnu, Georges tenait ferme a ses cotés le drapeau de l’espérance. Plus tard il fut un passionné Dreyfusard : ses relations lui battirent froid, qu’importe la Justice était en jeu : il fallait qu’elle triomphât. La première fois qu’une idée de paix universelle s’exprima, il bondit de Joie : son rêve prenait corps, il allait peut-être voir se réaliser l’entente fraternelle entre les hommes et s’établir les États-Unis d’Europe, faisant pendant à ceux d’Amérique, où les activités humaines collaboreraient au lieu de s’entre-déchirer. Mais il ce suffisait pas d’espérer, il fallait travailler : Georges se mit au service de la cause et plus tard, quand il vint à Strasbourg, on le trouva tout prêt à accepter le poste le plus ingrat, celui de trésorier : « si personne ne veut l’être, disait-il joyeusement, il faut bien que je le sois ? »

La Société des Libres-Croyants et des Libres-Penseurs l’attira également. Chercher un terrain d’entente entre les idéaux différents, se connaître, se comprendre, s’aimer, tel était son but. C’est dans la même pensée Qu’il s’attacha au groupe du  » Lien » que Charles WAGNER avait fondé au Foyer de l’âme. Et là aussi, comme il ne voulait pas en rester à l’intérêt platonique, il travailla et se mit à la disposition du Foyer de l’âme comme conseiller presbytéral : ce fut certainement l’activité dont il eut le plus de peine à se détacher, lorsque les évènements l’amenèrent à quitter Paris.

Entre temps, c’était la guerre, la grande guerre. Ces fils au service de la France, donnant toutes leurs forces pour défendre leur pays, sa fille au loin, immobilisée avec son gendre.

En résidence surveillé à Dresde 1915

Madeleine, en résidence surveillé à Dresde en 1915. Photographie d’identité à son arrivé prise par les « prussiens ». Voir le détail de cet épisode de sa vie dans le zoom qui lui est consacré.

Il aurait voulu pouvoir encore partir, lui aussi, et prendre sa place dans le rempart humain qui devait protéger la France et la vie de ses petits-enfants, si tendrement aimés. Mais l’arrière aussi avait besoin de cœurs vaillants. Georges ne quitta pas Paris un seul Instant ; il travailla dans les services publics partout où il le put et il tint bon dans les heures de tourmente. D’autres se décourageaient parfois, lui, il était prêt à tous les sacrifices et n’avait pas peur. Il avait trop confiance dans le triomphe nécessaire du droit et de la Justice pour douter. Ce serait dur, mais  » on les aurait  » ! Il avait raison : » On les a eus  » ».

Commentaire de Madeleine :

« Nous habitions 6 rue des petits hôtels ou nous avait accueillis , au 4ieme étage de sa maison, la « Grand’ Tante » Trousselle. Mes parents – Georges IV et Émilie- occupaient le grand appartement du palier, tandis que Grand-père (Georges III) et Tante Anna prenaient le petit; mais après le mariage d’Anna avec Paul Jalaguier en 1894, Grand-père est venu nous rejoindre. »

Sa Joie à l’armistice était complète : ses fils, s’ils avaient payé largement de leur personne, lui revenaient ; on lui rendait son pays natal, sa fille et son gendre. Aussi un immense désir de retour et de rapprochement l’amena-t-il à revenir en Alsace : en 1920, il quitta Paris pour s’installer a Strasbourg, auprès de son fils Louis qui l’y avait précédé. Ce furent d’abord de grandes émotions : le départ de ce Paris dans lequel il avait tant travaillé et dans lequel il laissait la plus douce récompense de la bonté du cœur : une affection générale ; le retour dans l’Alsace d’après-guerre, dépouillée de l’auréole des souvenirs d’enfance, la réadaptation à d’autres occupations et à un autre milieu : bien des amis d’autrefois étaient dispersés ou avaient disparu. Aussi, avec quelle effusion sera-t-il les mains de ceux qui se tournèrent vers lui et lui témoignèrent de la sympathie : son cœur aimant avait besoin d’un sourire pour s’ épanouir. Peu à peu il reprit pied, il s’intéressa aux mêmes activités qu’à Paris : les affaires, la Société des nations, le Christianisme Social.

Louis, Henri, Georges IV, Pierre, Marie-Anne, François, Émilie Ortlieb-Stroh
Georges IV

II se recréa sa vie, et c’est en plein travail que la maladie l’emporta : il s’alita le samedi 30 février, tourmenté par une première crise du mal qui devait l’emporter ; une accalmie qui se produisit au bout de 4 Jours donna tout lieu de croire à sa guérison et, brusquement, le lundi 1er mars, le mal reprit, terrible cette fois, et il succomba le mardi 2 mars vers 2 heures de l’après-midi, conscient presque jusqu’au dernier moment et préoccupé, comme il l’avait été toute sa vie, des autres, songeant à leur épargner les moindres dérangements. Il avait atteint l’âge de 72 ans, 3 mois, 9 Jours.

Georges laisse d’unanimes regrets. Nous évoquerons toujours avec une affectueuse sympathie le souvenir de sa figure accueillante et sereine, de son affabilité sans défaillance : on le trouvait toujours prêt à faire plaisir ; bien plus, il n’attendait pas qu’on lui demande un service, il l’offrait et s’en acquittait avec une conscience jamais lassée. Il avait confiance en tous, car il projetait dans le cœur des autres le reflet de sa propre bonté : il était incapable de soupçonner le mal ; son cœur, parfaitement pur, ne percevait pas les discordances. Quelle simplicité et quelle modestie ! sa bonté, son amabilité, sa générosité étaient si spontanées qu’il ne s’en doutait pas, il n’attendait rien des autres en échange, mais combien la plus petite marque d’affection lui faisait-elle plaisir ! c’était pour lui comme un rayon de soleil qui faisait s’épanouir sa bonne figure et lui redonnait force et entrain. Toute sa vie, il a été le chevalier sans peur et sans reproche de l’idéal. En famille il avait pour devise :  » Tous pour un et un pour tous « , dans les affaires :  » Les autres d’abord  » et dans le monde :  » Justice  » !

« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. « 

« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. »

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