Le Camp de Tambov ou Camp 188
Synthèse de multiples sources
Les sources sont listées au chapitre IV . Cet article complète le zoom sur les malgré-nous de la famille.
-I- Les « malgré-nous » au camp de Tambov
Les « malgré-nous » étaient des Alsaciens et des Mosellans enrôlés de force dans l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils furent envoyés dans différents camps de prisonniers et de travail en Europe de l’Est, et en particulier dans le camp de Tambow. Situé en Union soviétique, ce camp était tristement célèbre pour ses conditions effroyables et inhumaines. Ci-dessous une description des conditions dans le camp de Tambow et des raisons pour lesquelles les Alsaciens se sont retrouvés là-bas:
1.1 Contexte historique : En 1942 les Alsaciens et les Lorrains sont déclarés « Volksdeutsche ». A ce titre, plus de 130 000 jeunes Alsaciens et Mosellans furent incorporés jusqu’en 1944 de force dans la Wehrmacht pour la majorité et, pour certains, dans la Waffen SS. Même si les officiers affectent de les considérer comme des Allemands à part entière, ils savent que leurs cœurs penchent du « mauvais » côté et, pour éliminer tout risque, les envoient massivement se battre sur le front de l’Est. Mis en première ligne, ces jeunes, obligés de combattre pour l’ennemi, même s’ils ne partageaient pas les idéaux du régime, sont les victimes privilégiées d’un combat qui n’est pas le leur. Sur le Front russe, une question se pose : Que faire ? Continuer à se battre au côté de l’ennemi ? Ou déserter pour rejoindre les Russes, alliés objectifs de la France ? Les Soviets qui savent que les troupes allemandes contiennent des soldats « pas comme les autres », tentent des opérations de séduction. Ils lâchent par avions des « laissez-passer » et, la nuit, par-dessus les tranchées, ils lancent des messages par haut-parleurs pour inciter les Français à déserter et à venir rejoindre le combat de de Gaulle. Mais déserter est une tâche affreusement risquée. En effet le déserteur risque autant de se faire fusiller dans le dos par les Nazis que d’être abattu par les Soviets voyant arriver un homme habillé de l’uniforme ennemi, sans parler des représailles sur les familles ( voir chapitre III)… En fait, pris dans la déroute de l’armée allemande, la plupart des hommes n’ont guère le temps d’envisager la question. Les « Frantzouskis » sont faits prisonniers par les Russes et directement conduits en camp. Après la tyrannie de la croix gammée, voici celle de la faucille et du marteau ! Car finies désormais les belles promesses de rejoindre de Gaulle : les prisonniers, après un interrogatoire poussé, sont conduits au goulag. Ici, il a un nom : Tambow, le camp 188.
1.2 Le camp de Tambow : Le camp de Tambow, un sinistre camp cerclé de barbelés, situé à 450 kilomètres de Moscou, où s’entassent plus de 10 000 hommes de 13 nationalités différentes. A Tambow, les conditions de détention sont effroyables. Les prisonniers y survivent dans une effarante promiscuité et dans une hygiène déplorable, à l’abri de baraques creusées à même le sol pour mieux résister au terrible hiver russe où la température descend en dessous de moins 30°C. Un peu de soupe claire et environ 600 grammes de pain noir, presque immangeable, constituent la ration journalière. On estime qu’environ un homme sur deux mourait à Tambow après une durée moyenne d’internement inférieure à quatre mois.
- Surpopulation : Le camp de Tambow était conçu pour accueillir un nombre limité de prisonniers, mais il fut rapidement surpeuplé. Les conditions de vie étaient extrêmement exiguës, les prisonniers étant entassés dans ses baraques enterrées et surpeuplées, sans aucun espace personnel.
- Nourriture insuffisante : La ration alimentaire au camp de Tambow était dérisoire et insuffisante pour subvenir aux besoins nutritionnels de base des prisonniers. La malnutrition était endémique, entraînant une faiblesse physique, des carences vitaminiques et une vulnérabilité accrue aux maladies. On estime que la ration quotidienne était d’environ 600 à 800 calories (1300 selon certaines sources), ce qui était largement insuffisant et bien en dessous des besoins nutritionnels de base pour maintenir la santé et la force physique des détenus.
- Manque d’hygiène : En raison de la surpopulation, les installations sanitaires étaient débordées. Les prisonniers disposaient de peu d’accès à l’eau courante et aux installations sanitaires, ce qui entraînait des conditions d’hygiène déplorables. Les maladies infectieuses se propageaient rapidement dans le camp.
- Travaux forcés : Les prisonniers du camp de Tambow étaient contraints de travailler de longues heures dans des conditions dangereuses et épuisantes. Le travail au canal – surnommé le canal de la mort- est mentionné par plusieurs survivants.
- Maltraitance et torture : Les gardes soviétiques et les autorités du camp traitaient les prisonniers de manière brutale et violente. Les mauvais traitements, les tortures et les exécutions sommaires étaient courants. Les prisonniers étaient soumis à un régime de terreur permanent.
- Manque de soins médicaux : Les prisonniers malades ou blessés au camp de Tambow ne bénéficiaient que de soins médicaux rudimentaires, voire inexistants. Les ressources médicales étaient insuffisantes, et les conditions sanitaires précaires favorisaient la propagation des maladies -cf Chapitre II-. Les prisonniers souffraient de diverses affections, allant des infections respiratoires aux maladies diarrhéiques, en passant par les carences nutritionnelles et la cécité.
- Mortalité élevée : En raison des conditions épouvantables, décrites au-dessus, le taux de mortalité au camp de Tambow était extrêmement élevé. Le nombre de décès est estimé entre 8 000 et 10 000 Alsaciens et Mosellans.
- Oubliés de tous: On ne peut qu’être atterré par le sort de ces hommes. Alors qu’ils auraient dû connaître un traitement spécial, conformément à leur statut d’alliés, ils n’eurent droit qu’aux plus atroces tortures. Le régime du camp de Tambow fut comparé par certains à celui des camps de concentration nazis. Privés de toute liaison avec leur pays et leurs familles, ces Alsaciens et ces Lorrains se sont retrouvés oubliés de tous. Le dernier Alsacien vivant est rentré du camp en 1955.
-II- Maladies au camp de Tambow
Au camp de Tambow, les prisonniers étaient confrontés à un environnement insalubre et à des conditions de vie extrêmement précaires, ce qui favorisait la propagation de nombreuses maladies dont :
- Les maladies infectieuses : En raison du manque d’hygiène et de surpopulation, les maladies infectieuses se propageaient rapidement parmi les prisonniers. Les infections respiratoires telles que la pneumonie et la tuberculose étaient courantes. De plus, des épidémies de maladies telles que la gale, la dysenterie, la typhoïde et le choléra étaient fréquentes, causées par la contamination de l’eau et des aliments.
- La Malnutrition et carences vitaminiques : La malnutrition endémique au camp de Tambow conduisait à des carences en vitamines et en minéraux essentiels, ce qui affaiblissait le système immunitaire des prisonniers et les rendaient plus vulnérables aux maladies. Des carences en vitamine C pouvaient entraîner le scorbut, une maladie caractérisée par des problèmes de peau, des œdèmes, des saignements des gencives et, dans les cas graves, une cécité.
- Les Maladies oculaires : Le manque d’hygiène, les conditions de vie déplorables et la malnutrition pouvaient également contribuer à l’apparition de maladies oculaires graves. Par exemple, la conjonctivite bactérienne, une infection de la membrane qui recouvre le blanc de l’œil et la face interne des paupières, était fréquente. Si elle n’était pas traitée, elle pouvait entraîner des complications pouvant conduire à la cécité.
- La Cécité nutritionnelle : La cécité nutritionnelle, également connue sous le nom de xérophtalmie, était une condition oculaire qui pouvait survenir en raison d’une carence en vitamine A. Cette carence était fréquente chez les prisonniers souffrant de malnutrition. Cette cécité nutritionnelle provoquait une altération progressive de la vision, qui pouvait évoluer vers une cécité totale si elle n’était pas traitée.
A noter que les conditions médicales et les traitements disponibles au camp de Tambow étaient extrêmement limités (au sinistre Lazaret de Tambow, antichambre de la mort mentionné par les survivants). Cet accès limité aux soins médicaux et aux médicaments, aggravait les conséquences des maladies contractées et conduisait souvent à la mort.
-III- Conséquences sur les familles en cas de désertion
En amont d’une incarcération au Camp de Tambow, les familles des Alsaciens qui désertaient de l’armée allemande étaient souvent confrontées à de graves conséquences et représailles de la part des autorités allemandes et du régime nazi:
- Répression et emprisonnement : Si un Alsacien désertait de l’armée allemande, sa famille risquait d’être victime de représailles directes. La répression était impitoyable envers les familles des déserteurs. Elles pouvaient être arrêtées, emprisonnées, interrogées et soumises à des mauvais traitements.
- Stigmatisation sociale : Les familles étaient considérées comme des traîtres et pouvaient faire l’objet de discrimination et d’ostracisme. Leur réputation était entachée et elles étaient souvent exclues de la vie sociale et économique de leur région.
- Pressions et intimidations : Les familles des déserteurs étaient soumises à des pressions et des intimidations de la part des autorités allemandes et des sympathisants du régime nazi. Elles pouvaient être surveillées, harcelées ou menacées afin de les dissuader de soutenir ou d’aider leurs proches déserteurs.
- Déportation vers des camps de concentration : Dans certains cas, les familles des déserteurs pouvaient être déportées vers des camps de concentration nazis. Les autorités allemandes utilisaient cette mesure pour punir les familles et exercer une terreur psychologique sur la population.
- Difficultés économiques : La désertion d’un membre de la famille pouvait entraîner des difficultés économiques pour les familles restantes. En perdant un soutien financier ou une main-d’œuvre, elles se retrouvaient dans une situation précaire, avec des ressources limitées pour subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux.
Les répercussions pouvaient varier en fonction de divers facteurs, tels que l’ampleur de la désertion, l’implication des autorités locales et les circonstances spécifiques de chaque cas. Mais dans l’ensemble, les familles des Alsaciens déserteurs étaient confrontées à des conséquences graves et souvent tragiques.
-IV- Le camp de Tambov vu par les Russes
En Russie, le camp de Tambov, où furent internés de nombreux Alsaciens et Lorrains pendant la guerre, est un sujet polémique. Son existence, longtemps niée par les autorités, vient contredire une part de l’histoire officielle.
Lien de l’article ici.
-IV- Pour aller plus loin
http://www.malgre-nous.net/ ,en particulier pour ses témoignages sidérants de survivants.
Le Tambow lied, il faut lire ce chant émouvant… sans commentaire.
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?laref=1615&titre=les-malgre-nous-sont-en-ligne-, indispensable pour une recherche de 1er niveau sur un individu particulier.
https://marques-ordinaires.fr/challenges-defis/malgre-nous-les-recherches-sur-les-incorpores-de-force-mosellans/, intéressant à transposer pour une recherche poussée sur les Alsaciens.