Je me souviens du turban de ma mère
Octobre 2010, par Georges Stroh
Je me souviens
- Je me souviens encore de l’odeur du désinfectant des sanitaires de ma 1ère colonie de vacances.
- Je me souviens des pains de glace qui fondaient sur le seuil des maisons lorsque les frigos étaient rares.
- Je me souviens de mon institutrice qui devenait sourde lorsque j’étais aphone.
- Je me souviens des poils grillés d’un camarade attaché au portail du jardin sous les jambes duquel nous passions des allumettes enflammées.
- Je me souviens du turban de ma mère les jours de Mistral.
- Je me souviens de la boite en bois peinte de jaune ou ma sœur enfermait les gâteaux que mon frère lui chipait.
- Je me souviens de la queue faite aux guichets SNCF pour réserver, pendant que l’employée interrogeait par téléphone la gare de départ du train pour vérifier les places restantes.
- Je me souviens par vent arrière du dériveur qui s’était retourné sur moi en arrivant sur la plage.
- Je me souviens de ma première cigarette en barbe de maïs roulée dans du papier Job.
- Je me souviens de la gifle de mon grand père quand pour l’accueillir, «téléguidé» par le jeune voisin un peu sadique, je lui avais dit « merde ».
- Je me souviens de mon dos tendu sur des galets brûlants de soleil après une pêche aux oursins.
- Je me souviens d’une tombe en marbre blanc, secteur 71 au Père Lachaise, celle d’une amie d’enfance.
Dépliage du turban
Je me souviens du turban de ma mère les jours de Mistral ; des fleurs bleues du tissu, écrasées par les plis enroulés ; des mèches de cheveux par le vent éparpillées sur le front, et remontées sous la coiffe ; doigts agiles aux ongles larges dans une caresse légère glissant sous le tissu ; une épingle à cheveu tirée d’une pelote d’aiguilles de pin tortillée par le vent, ramassée sur les carreaux de terre cuite de la terrasse, puis une épingle à cheveu pincée entre les lèvres, une épingle à cheveu enfin haubanant la coiffure, piquée comme un sourire heureux éclairant le visage halé et doucement ridé ; déformé par un pli sur la tempe, un pétale bleu prenant la forme d’un cœur ; elle, regardant le miroir du ciel entre les branches noueuses de l’olivier complice de sa toilette, le turban frissonnant aux saccades du vent.
Georges STROH
Octobre 2010