Déplie-toi.
2004, par Georges Stroh
Quitte cette montagne ou tes racines sèchent
Entrailles terreuses avides de ton corps
Quitte quitte quitte Laisse les cloportes ramper sous les rochers
Laisse les moustiques sucer le sang des bêtes
Dresse-toi sur les pieds
Déplie-toi déplie-toi déplie-toi
Genoux après chevilles
Déplie-toi
Bassin après genoux
Déplie-toi
Épaule après vertèbre
Dresse-toi
Vertèbre après vertèbre jusqu’au creux de la nuque
Ou s’enroulent les nœuds qui t’attachent aux branches
Déplie-toi dans les bras du soleil
Entrelace nos yeux
Décroise nos regards tendus de peaux de buffles
Que nos paupières se mêlent
Que redoutablement nos lèvres s’entremêlent
Jusqu’au déferlement
Prends-moi dans les descentes de ton torse sauvage
Ou bondit solitaire ta chevelure d’encre
Dans l’ibis de tes bras enroulés
Prends-moi à contre-emploi
Prends-moi â contre-temps
Prends-moi à contre-pied
Prends-moi à contrecœur
Prend-moi dans la caverne de tes peurs les plus folles
Je te cavernerai de murmures brûlants
Prend-moi dans la vallée ou cascadent tes reins
Je te cascaderai
Je te dévalerai dans le vent des falaises
Jusqu’au cœur des ténèbres je te galoperai
Dans le vent des falaises je te circonviendrai
Traque traque le vent qui nous soulève tant d’oiseaux
Et enfle enfle la démence de l’attente cramponnée â mes épaules
Gonfle ces cloques noires
Ventouses de calamar collées à ma mémoire
Lorsque s’enfle la mer
Calamare- moi
Calamare -moi de ton bec visqueux
Que ton ventre d’écume enfle au pied des falaises
Déchire
Déchire ma poitrine percée d’anneaux d’argent
Déchire
Déchire mon torse palpitant
Déchire ma raison qui n’est plus qu’une cage
Ou tourbillonnent les désirs
Que le roc de ton sein déchire mes nuages
Soulève
Soulève cette attente qui m’écrase
Soulève
La poussière des heures qui tournoie dans le vide
Soulève tes effluves
Ces odeurs d’hyène qui laboure mes bronches
Que tes pieds soulèvent la poussière des songes
Que mes songes aboient à tes oreilles
Que leurs lobes songent à mes morsures
Hurle à mes morsures
Hurle dans le vent qui soulève les ailes
Hurle dans la fange ou se roulent les porcs
Laboure
Laboure
Du couteau de tes lèvres
Le pré de mes caresses
Laboure
Laboure
Du couteau de tes lèvres
Les toiles d’araignée ou se prennent mes râles
Laboure du couteau
De tes lèvres exsangues
Les océans obscurs ou périssent les mâles
Le ventre de la nuit percé d’anneaux d’argent
Fends
Cette pierre taillée qui déchire les nuages
Fends
Cette pierre dressée
Fends cette tombe qui m’étouffe à l’aurore
Après les nuits fétides ou croupissent mes songes
Crapuleux papillons se glissant par mes pores
Vautre-toi
Dans les lits interdits
Vautre-toi
Dans les ronces de mes jambes
Vautre-toi jusqu’au sang qui coule de mes peurs
Vautre-toi dans ce feu qui te dévorera
Vautre-toi
Vautre-toi dans ma fange avant que je ne meure
Lentement lentement
Le visage boueux percé d’éclairs bleus
Tendrement tendrement
Les narines frémissant dans la glaise
Sûrement sûrement
Vertèbre après vertèbre
Tourne la tête
Vers moi.
Georges STROH
ATELIER D’ECRITURE DE L’UTLA ,PAU LE 26/11/04