Henri Stroh (1887 – 1945)
Mort pour la France en déportation.
Arrêté par la Gestapo le 21 mars 1944 dans son bureau au Creusot
Déporté en Allemagne le 7 Juin 1944 par le dernier convoi de déportés parti de Compiègne
On ne cherche pas à recopier ici les informations des sites très bien documentés sur Henri Stroh mais plutôt de donner les liens vers ces sites et publier des informations de famille complémentaires (photos,…) dans l’esprit du reste du site . A noter que Henri est évidement souvent mentionné d’un point de vue familial dans les pages consacrées à sa sœur Madeleine, son frère Jean-Louis et dans la page Récits.
Ci-dessous, accès direct – en cliquant- aux différentes rubriques de la page.
Liens Henri Stroh
Wikipédia Henri Stroh | https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Charles_Stroh |
INGÉNIEUR, PATRIOTE par André PROST pages 4 à 11 -> le plus complet | https://afbourdon.com/wp-content/uploads/2014/11/Bulletin_4_2003.pdf |
Parcours de vie dans la Royale (site orienté Marine) | http://ecole.nav.traditions.free.fr/officiers_stroh_henri.htm |
Gigantesque site sur l’entreprise Schneider (seulement pour des spécialistes) | http://laurentdingli.com/2020/11/25/schneider-de-lexode-a-la-collaboration-ete-1940/ |
Henri Stroh: commémoration en 2022
Discours prononcé par Jean Michel STROH lors de l’inscription au monument aux morts de Lamonzie St Martin
Le 8 mai 2020 repoussé au 8 mai 2022 à cause du COVID
Monsieur le maire, Mesdames, Messieurs :
Il y a 75 ans se terminait le conflit de deuxième guerre mondiale.
Les témoins de ce conflit se font plus rares pour transmettre la mémoire de cette période.
Ce conflit a fait de très nombreux morts directs ou indirects.
Pour ma part je m’intéresse aux personnes qui ont subi la déportation ; la déportation de mon grand père
a marqué toute ma famille ; elle m’interroge sur le devoir de mémoire.
Ces personnes ont été déportées pour différentes raisons :
- Pour leur religion (juive en particulier)
- Pour leur origine ethnique (rom, tzigane,…)
- Pour leur orientation sexuelle (homosexuel,…)
- Pour leur art soit disant dégénéré (peintres, écrivains,…)
- Pour des actes de résistance ou de rébellion
- Pour leur handicap, physique ou mental, ceux-ci ont été immédiatement exterminés ou on servi
- de cobayes pour la médecine notamment.
- Pour toutes les raisons que le nazisme ne voulait plus voir
Il faut savoir que la plupart de ces personnes déportées à cette période ont été dénoncées par des hommes, des informateurs, collabos des nazis, des vichystes bien Français.
Aujourd’hui encore partout dans le monde des personnes, victimes de guerres, subissent ces déportations ou sont pourchassées et voient les frontières se fermer devant leur fuite. Souvenez-vous qu’en France en 1939 l’administration de l’Alsace et Strasbourg a été installée à Périgueux. Ma famille alsacienne ayant des attaches à Lamonzie saint Martin s’y est réfugiée ; pour mémoire, certains oncles ont été scolarisés à l’école du Monteil et gardent un souvenir très fort de l’institutrice Mme Fougeyrolas.
Si aujourd’hui nous sommes là pour nous souvenir de ce qui s’est passé il y a 75 ans n’oublions pas et faisons en sorte d’apaiser les souffrances actuelles.
N’oublions pas que partout en France sur le fronton des mairies est écrit : LIBERTE EGALITE FRATERNITE
Je tiens à remercier le maire et son conseil municipal qui par leur délibération de janvier 2020 ont permis de rajouter sur ce monument aux morts la mention « mort en déportation » à mon grand père.
Pour compléter ce moment, je remets au maire une biographie de mon grand père, dénoncé anonymement, arrêté par la gestapo et déporté en camps de concentration. Ce document sera à la disposition de tous à la mairie en particulier pour les enseignants pour la transmission du devoir de mémoire. Ce document a été écrit par Mr André Prost, du Creusot , qui a fait beaucoup de recherches sur Henri Stroh pour faire vivre sa mémoire pour ce qu’il a fait aux usine Schneider du Creusot pendant la guerre.
Rappel de la vie d’Henri Charles Stroh (papa Henri pour des petits enfants)
Né en 1887 à Paris de parents alsaciens ayant quitté l’Alsace à cause de la guerre de 1870 ; ils ne voulaient pas que leurs enfants servent dans l’armée allemande. Boursier il fait de brillantes études supérieures, reçu, à 21 ans à l’école polytechnique et normal sup; Il a choisi Polytechnique car il préférait l’action à l’enseignement. Comme il était dans les premiers (« la
botte ») il a fait le Génie Maritime ; il est donc militaire. En 1911 il épouse Marie Anne Gueylard née à Lamonzie Saint Martin mais faisant ses études à Paris ; son père avait été embauché, après avoir travaillé sur la ligne de chemin de fer Bergerac Sarlat, par la compagnie de Five Lilles pour travailler sur des projets de chemins de fer en Espagne, en Argentine, en Chine.
Sa maman Emilie décède en 1940 dans la maison familiale de la Mouthe et est enterrée au cimetière du Monteil. De 1911 à 1933 il travaille dans des arsenaux de la marine à Cherbourg et à Toulon pour les torpilles sous marines ; pendant la première guerre mondiale il est affecté à la reconstruction de ponts provisoires détruits.
En 1921 il est décoré de la légion d’honneur.
En 1923 il quitte le service actif de l’armée et prend la direction de l’usine Schneider du Creusot, très importante usine sidérurgique (fabrication de locomotives de matériels de guerre canons, tourelles de char, turbines hydrauliques (barrage de l’aigle) et à vapeur. Par son travail il participe à plusieurs salons industriels et se rend compte du sous équipement militaire de
la France et en 1936 il écrit au président de la république pour lui en faire part ; ce n’est qu’en 1939 que le gouvernement réagit ; au Creusot il décide t’anticiper les atermoiements du gouvernement.
En juin 1940 il reçoit l’ordre de rester à son poste ; par précaution il fait enterrer, dans la cour de l’usine, avant l’arrivée des allemands des citernes de carburant, des métaux spéciaux, des pneus, et d’autres matériaux ; les allemands passeront dessus sans rien remarquer, sauf à constater le peu de stock de l’usine. Il fait aussi quitter le Creusot vers la zone libre avec les camions de l’usine tous ceux qui risquent d’être fait prisonnier.
Le 17 juin 1940 les allemands sont au Creusot ;
Il parlait couramment l’allemand et l’italien et avait commencé à apprendre le russe au Creusot. Sa connaissance de l’allemand lui fut très utile dans ses relations conflictuelles avec l’occupant . Il négocie avec eux de ne plus faire de commandes militaires ce qui aurait fortement intéressé les autorités allemandes mais de continuer toutes les autres activités civiles (locomotives turbines électriques,…) pour que le personnel continue à avoir un salaire. Son autorité et sa connaissance de l’allemand agacent souvent l’occupant
En décembre 1941 il est fait officier de la légion d’honneur Il organise, c’est apparemment le seul en France, des visites d’inspection des travailleurs du STO.
Plusieurs en 1943 et 1944 les allemands lui reprochent la lenteur de fabrication des locomotives (3 fois plus qu’en Allemagne) et le déraillement quasis systématique de celles-ci en sortant de l’usine ;il avait mis très discrètement en place une petite équipe chargée de saboter le travail de fabrication et de livraison.
Le 21 mars 1944 il est arrêté avec 20 Creusotins sur dénonciation des citernes de carburant enterrées.
Le 7 juin 1944 (le lendemain du débarquement en Normandie) il est transféré à Compiègne puis Neuengamme, Sachshausen, Oranienburg et le 4 février 1945 à Buchenwald
Le 11 avril 1945 libération du camp de Buchenwald par les américains rejoints par les soviétiques ; il laisse partir les prisonniers plus mal en point que lui malgré une dysenterie.
Plus aucune nouvelle après le 22 avril 1945 ; qu’est-il arrivé ?
Dans les quelques messages qu’il a pu faire parvenir à sa femme ou ses fils en parlant de la vie dans les camps il écrivait « Lisez l’Enfer, de Dante. » et dans un autre, à ses fils: « Installez-vous dans le pays de votre mère » . Sa femme Marie Anne est morte le 14 janvier 1949 à Paris. Elle avait remué ciel et terre pour retrouver la trace de son mari…elle est enterrée dans le cimetière familiale de La Mouthe. En 1948 elle avait été appelée à témoigner au procès de Rastatt, l’équivalent français du procès de Nuremberg, sur les exactions au Creusot des dignitaires allemands mais étant trop fatiguée elle n’avait pu s’y rendre.
Pour ma part après une visite en mai 2019 du camp de Buchenwald pour essayer de comprendre ce qui était arrivé à mon grand père, j’ai appris, par le service des archives des camps de concentration, que les recherches sur les déportés disparus n’étaient pas closes, les recherches dans les archives russes (Buchenwald a été après guerre en zone soviétiques) sur cette période sont aujourd’hui interdites ; il pense qu’un jour elles seront accessibles.
Je vous remercie.
Jean Michel STROH
Suite du Discours par Martine Pailhes Stroh
Merci, Jean-Michel!
Monsieur le Maire, je tiens à vous remercier pour votre volonté d’inscrire sur le monument aux morts de Lamonzie St Martin, le nom de notre grand-père Henri Stroh complété par la mention « mort en déportation » et de marquer ainsi sa mémoire au coeur de cette belle terre de Dordogne si chère à sa femme et à la famille de celle-ci, comme l’a rappelé mon cousin Jean Michel.
Je suis l’aînée des 11 petits-enfants d’Henri Stroh, née en janvier 1944, mais la seule dont il connut la naissance puisqu’il fut arrêté le 21 mars 1944. Ma soeur Anne-Catherine est née au Creusot en janvier 1946 et ma mère m’a très souvent parlé de ses beaux-parents, en particulier de sa belle-mère Marie-Anne Gueylard, de ses démarches innombrables et vaines pour retrouver la trace de son mari…Quand, installée à Paris, elle allait chercher du pain, elle mettait toujours un mot sur la porte à son intention, et elle retrouvait ce mot à la même place en revenant…
Notre grand-père, dans l’époque si difficile de 1939 à 1945, en particulier dans sa position, donne un exemple de lucidité et de droiture exceptionnelles: il avait fait mettre du gravier dans l’allée de son logement au Breuil « je les entendrai arriver », disait-il. Et, quand la menace était devenue très proche pour lui, il avait refusé de partir en Suisse, ce qui aurait été pour lui une désertion…Il n’appartenait pas aux catégories rappelées par Jean-Michel, il n’était ni juif, ni tzigane, etc…mais il fut déporté pour avoir résisté à la barbarie nazie tout en restant à son poste pour que l’usine continue à fournir du travail aux milliers de familles qui en dépendaient au quotidien. Il fallait une grande habileté pour duper les nazis et ils ont fini par le comprendre.
Et notre grand-mère, Marie-Anne, la 5ème des huit filles Gueylard, rééquilibrait par sa douceur et sa finesse, le côté sans doute un peu rugueux de son mari alsacien. Au Creusot elle avait aussi grand souci des difficultés matérielles des ouvriers. Elle fut la compagne lumineuse d’Henri Stroh qui parvint à lui faire passer des mots touchants, rares et émouvants.
Ce drame familial fut lourd à porter mais il nous oblige aussi à poser les vraies questions: si, dans une situation dramatique, nous étions confrontés à des choix vitaux, lesquels ferions-nous, et au nom de quoi et comment? Notre grand-père avait choisi d’assumer ses responsabilités jusqu’à l’ultime…
La commune de Lamonzie St Martin peut être fière de cette leçon de vie. Merci encore, monsieur le Maire, de contribuer, par la pose de cette plaque, à garder la mémoire de cet exemple et à faire réfléchir nos jeunes sur leurs priorités essentielles dans leur vie à venir.
Martine Pailhes Stroh
Documents
Serment de Buchenwald
Le serment de Buchenwald a été prononcé sur la place d’appel du camp de Buchenwald le 19 avril 1945 , une semaine après la libération du camp « Nous, les détenus de Buchenwald, nous sommes venus aujourd’hui pour honorer les 51 000 prisonniers assassinés à Buchenwald et dans les Kommandos extérieurs par les brutes nazies et leurs complices. 51 000 des nôtres ont été fusillés, pendus, écrasés, frappés à mort, étouffés, noyés, empoisonnés et tués par piqûres. 51 000 pères, frères, fils sont morts d’une mort pleine de souffrances, parce qu’ils ont lutté contre le régime des assassins fascistes. 51000 mères, épouses et des centaines de milliers d’enfants accusent. Nous, qui sommes restés en vie et qui sommes des témoins de la brutalité nazie, avons gardé avec une rage impuissante la mort de nos camarades. Si quelque chose nous a aidés à survivre, c’était l’idée que le jour de la justice arriverait.
AUJOURD’HUI NOUS SOMMES LIBRES
Nous remercions les armées alliées, les Américains, les Anglais, les Soviétiques, et toutes les armées de libération qui luttent pour la paix et la vie du monde entier. Nous rendons hommage au grand ami des antifascistes de tous les pays, à l’organisateur et initiateur de la lutte pour un monde nouveau, que F.D. Roosevelt. Honneur à son souvenir. Nous ; ceux de
Buchenwald, Russes, Français, Polonais, Tchécoslovaques et Allemands, Espagnols, Italiens et Autrichiens, Belges et Hollandais, Luxembourgeois, Roumains, Yougoslaves et Hongrois, nous avons lutté en commun contre les SS, contre les criminels nazis, pour notre libération.
Une pensée nous anime
NOTRE CAUSE EST JUSTE, LA VICTOIRE SERA NOTRE.
Nous avons mené en beaucoup de langues la même lutte dure et impitoyable. Cette lutte exigeait beaucoup de victimes et elle n’est pas encore terminée. Les drapeaux flottent encore et les assassins de nos camarades sont encore en vie. Nos tortionnaires sadiques sont encore en liberté. C’est pour ça que nous jurons, sur ces lieux de crimes fascistes, devant le monde entier, que nous abandonnerons seulement la lutte quand le dernier des responsables sera devant le tribunal de toutes les nations : L’écrasement définitif du nazisme est notre tâche.
NOTRE IDÉAL EST LA CONSTRUCTION D’UN MONDE NOUVEAU DANS LA PAIX ET LA LIBERTÉ.
Nous le devons à nos camarades tués et à leurs familles. Levez vos mains et jurez pour démontrer que vous êtes prêts à la lutte. »
Allocution du pasteur Marc Boegner le 23 Mars 1947 au temple de Passy
Page Wikipedia Marc Boegner, ici
Divers documents et photos
Anne-Marie et Henri
Marie-Anne Geylard
Bel hommage de Madeleine à son amie Marie-Anne (la femme d’Henri) publié dans le bulletin des Anciens du Lycée Fénelon en Mars 1949
Henri et Louis à Toulon
Rédigé et collecté par Bernard et Georges Stroh