Récits

Abraham et les maires seigneuriaux

Notre ancêtre Abraham Stroh (1530-~1600) était cultivateur à Mittersheim.

Son fils Thiebold (né avant 1560) et son petit-fils Georg (né en 1587) étaient maires dans la seigneurie Col-de-Cygne de la baronnie de Fénétrange entre ~1590 et 1640. Ils étaient Protestants depuis peu.  Leur fonction était de collecter l’impôt auprès des concitoyens essentiellement cultivateurs du village (dans leur cas Mittersheim) dans une période pour le moins violente.

Les Rhingraves introduisirent le luthéranisme à Fénétrange et Mittersheim avant 1565.  il s’en suivit une période troublée, émaillée de querelles entre co-Barons restés fidèles à Rome et les partisans de la Réforme. Le XVIIème siècle fut marqué par la terrible guerre de trente ans (1618-1648) à laquelle succéda famine et peste. La Baronnie en sortit dévastée, ruinée et dépeuplée.

Michael et Paulus, Cultivateurs et Aubergistes

Les autres fils de Thiebold, sont Michael (1580-1615), probablement cultivateur et Christoph Paulus (avant 1602-1673) « déja » aubergiste à Mittersheim. On aura au moins un aubergiste dans chaque fratrie Stroh. A noter que les 2 frères sont nos ascendants directs, car l’un des petit-fils de Michael, Johann (Hans) Theobald, épouse une de ses tantes , fille de Christoph Paulus, lui-même frère de Michael.

La Baronnie: Histoire

En 1070 Fénétrange relève de l’abbaye de Remiremont. L’empereur Henri IV fixe à cette date la redevance due par l’abbesse pour le droit à battre monnaie à Fénétrange.

La baronnie de Fénétrange (Fintinsgen en Allemand) fait partie du Saint Empire Romain Germanique. Comme le montre la carte – en 1400- ci-contre « Finstingen » était un petit confetti qui avait pourtant les droits d’un état quasi-libre.

La Baronnie était Immédiate d’Empire (Reichsunmittelbar)1 et formait une Ganerbschaft (Ganerbe) , avec un statut d’indivision obligatoire 2 qui liait à perpétuité quatre seigneuries de la baronnie, en sorte que les parts indivises de ces seigneuries, se trouvaient réparties suivant des proportions variables entre plusieurs seigneurs, simultanément co-barons de Fénétrange. L’indivision était prolongée par une entité étatique à souveraineté collective héréditaire.

Et nos maires (Rheingräflischer meier),Thiebold et Georg Stroh ?
L’hypothèse la plus probable c’est qu’ils rendaient des comptes au prince de Croy époux de Diane de Dommartin héritière du Rheingrave par l’intermédiaire de son bailli (Amtmänner) Frédéric de Hindenburg . On verra dans la partie généalogique que ~300 ans après, une descendante des Rheingrave, Louise Dannenberger épouse notre AAGP Jean Georges Stroh (1812-1898) !

1 Comment ce petit confetti a obtenu l’immédiaté d’empire ?
D’après les documents consultés sur Gallica.bnf.fr certains des co-barons avaient des possessions vassales directes de l’empereur (sans intermédiaire c-a-d immédiate) comme les Lorraine et les Rhingraves. L’Immédiateté d’Empire va se transmettre par « osmose » à la baronnie gérée en co-propriété.
2 Pourquoi cette indivision obligatoire (Ganerbschaf) ?
L’héritage, longtemps partagé parmi l’aristocratie du Saint Empire Germanique en est souvent la raison. La primogéniture ne s’est imposée qu’au 17e siècle. Pas de démembrement des seigneuries. Cela a conduit à cette forme particulière de condominat, qu’est la Ganerbschaft à Fénétrange où tous les héritiers se partagent la juridiction. Cela imposait des compromis entre les différents co-barons , la ville de Fénétrange et les villages, les corporations et les religions. Et cela sur notre baronnie confetti ( 29 km par 20 km) comme dans la République libre de Strasbourg à la même époque. Louis XIV a repris tout ça en main de manière monarchique.
En France on a des gilets jaunes et pas de concorde (cause Louis XIV ?) alors que nos voisins allemands sont champions dans l’art du compromis (cause Saint Empire Germanique ?)!.
La gestion politique de la baronnie est impressionnante d’équilibre, à l’image de Strasbourg à l’époque (voir la page M.Pfarrer dans dans le menu zoom). Mais le formariage était interdit. Ce n’était pas la démocratie mais une organisation complexe et fine pour que chacun reste dans son milieu d’origine.

Troubles à Mittersheim

La paix d’Augsbourg en 1555 reconnaît l’existence de deux confessions en Alsace, la protestante (luthérienne) et la catholique selon la règle « cujus regio , ejus religio ». Or le comte de NassauSaarweden, qui possède l’Alsace bossue, est protestant: Ottwiller revient aux princes de NassauSaarbrucken. Ottwiller et Drulingen et 25 autres localités font partie de l’Oberamt de Haskirchen. Les « têtes de choux » sont réputés avoir un caractère entreprenant et le goût de l’innovation.

Coté baronnie de Fénétrange, les accords et engagement pour répartir les villages et les églises entre catholique et luthériens sont sans cesse rompus avec de nombreux affrontements (préemption des lieux de culte… etc). Diane de Dommartin et son époux en secondes noces, Charles Philippe, duc de Croy-Arschot, co-barons sont restés catholiques. La pression est forte sur nos aïeux  STROH réformés . Il est probable qu’ils aient quitté Mittersheim pour des raisons religieuses vers 1650 (?) et remontés  de quelques kilomètres en Alsace Bossue vers Ottwiler et Drulingen pour se retrouver en terre « réformée ». En 1664-65 , la Maison de Lorraine , via Henri de Vaudémont , acquit les dernières parts des Rhingraves protestants dans les seigneuries de la baronnie. Après la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 le temple de Mittersheim fut détruit.

Les Wehrung partent en Alsace

Nos aïeux et cousins WEHRUNG ont quitté la Picardie après la Révocation de l’Edit de Nantes. Ils sont venus s’installer à 150m de la frontière lorraine, côté Alsace, au moulin de Siewiller. Ils s’appelaient alors VÉRON et ont germanisé leur nom.

Johan Theobald, Aubergiste

Fils de Michael, Johann Theobald Stroh (1612-1669) est tanneur et aubergiste à Wolfkirchen. Il épouse Agnès Juncker (1625-1705) et a 11 enfants. Certains de ses descendants à 3 générations vont émigrer aux état-unis vers 1750 et surement « générer » la plus grosse branche généalogique de Stroh & Straw, France inclus, mais avec une inconnue sur l’Allemagne, car le travail d’identification de nos ancêtres Allemands reste à faire.

Johann (Hans) Theobald, Aubergiste

1646-1736. Fils de Johann Théobald.  Naissance et union à Bouquenom.  Déces à Wolfskirchen. Aubergiste et Luthérien pratiquant. Il a épousé une tante Ermilia Stroh (1647-1712) et a eu de son vivant 17 enfants, dont JOHANN GEORG, 35 petits-enfant, 80 arrière-petits enfants et 1 arrière-arrière-petit enfant. C’est le record « identifié de la généalogie Stroh & Co.

 Johann ou Hans Georg Stroh, Tanneur

Nommé George I sur le site. Attention à l’incertitude sur le degré de parenté du Stroh qui a épousé Christina 🙂

Tanneur, Johan Georg(1669-†) ou Hans Georg(1686-1718) a épousé Christina MARTZLOFF (1688-†) mais dans 40% des données généalogiques il est le frère de Johann Theobald (peu probable car alors 19 ans plus jeune que sa femme) et dans 60% son fils (très probable). Ils eurent 4 enfants dont GEORGES

Georges le maître de poste

Jean Georges STROH (1711-1792) à Metting –nommé Georges II sur le site-, était cultivateur, brasseur, maréchal-ferrant et propriétaire du relais de poste, donc Aubergiste, sur la route du charbon qui allait de la Sarre à l’Alsace. La maison existe toujours. Il a eu 11 enfants dont JEAN , Johannes à l’état civil, (1757-1793). Vie surement difficile. 7 des 11 enfants sont morts en bas-age.

Jean représente le district de Sarrebourg

Jean le tanneur

Jean Stroh (1784-1847) s’installe à Ottwiller comme tanneur. Il épouse Eva-Caroline WEHRUNG (1790-1867) 1, de Drulingen.
Le bâtiment de la « tannerie STROH » existe toujours, au bord de l’Isch, à côté du « Strohhof » qui était la maison d’habitation. François Stroh fut longtemps en relation avec la famille Bieber qui y habitait dans les années 1990-2000. Ils eurent 6 enfants dont GEORGES. Les 6 enfants et leurs descendances sont présentés dans l’arbre Stroh & Co, visible dans le menu Arbres.

1  Une sœur d’Eva-Caroline, Catherine, épousa Pierre Stroh frère de Jean. Une autre sœur, Julie épousa Chrétien WACK, de Drulingen.  Julie est la grand-mère du pasteur Charles WAGNER (1852-1918), le fondateur du Foyer de l’Ame à Paris. Dans le menu Arbres , la généalogie des 3 soeurs Wehrung est présentée.

Georges III et Louise avec George IV et Anna (photo ~1861)

1 Notre AAAGM était la sœur de l’AAGM de Stanislas et Diane MASSONIE.
2 Louise Dannenberger était la fille du pasteur Philippe-Frédéric Dannenberger, pasteur à Vendenheim, qui, en 1815, se proposa pour remplacer comme otage les 18 habitants catholiques du village voisin de Souffelweyersheim. Sur de faux témoignages (ce que vérifia le pasteur) ils avaient été condamnés à mort comme francs-tireurs. Le Général-Prince de Wurtemberg finit par se laisser convaincre. le général RAPP fit un rapport et le roi LOUIS XVIII le fit chevalier de la Légion d’Honneur (ordonnance du 2 juin 1819).

George IV

Henri, Jean-Louis et Madeleine

•  Henri (1887-1945),- sa page ici– reçu à Polytechnique et à Normale Supérieure, choisit Polytechnique (1907). Il était spécialisé dans les torpilles. Son premier poste fut à Toulon puis il dirigea la base de Saint Tropez ( il habitait à Château Bertaud) et en 1933 fut nommé directeur général des usines Schneider au Creusot.
• Jean-Louis (1888-1978) – sa page ici – fit des études de droit (Doctorat en 1915) et fut Directeur-adjoint de la Sécurité Sociale à Strasbourg en 1920. En 1930, il épouse Marie-Louise (dite Maryse) BAUDOIN, de Toulon. En 1940, son service de Sécurité sociale est replié à Périgueux. Il rejoint Strasbourg en 1944. Plus tard, Administrateur Civil, il sera Directeur-adjoint de la Sécurité Sociale pour l’Alsace et la Lorraine.
  
• Madeleine (1892-1987) – sa page ici – fit ses études au lycée Fénelon. Elle y rencontra Marie-Anne GUEYLARD qui devint sa meilleure amie et épousa son frère Henri. Madeleine STROH entra à l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres puis épousa le pasteur Louis-Paul HORST(1887-1972) en 1913. Ils s’installèrent à Ste Marie aux Mines mais, accusés de “Deutschfeindlichkeit”, ils furent, Louis-Paul emprisonné à Colmar. Madeleine en résidence surveillée à Dresde. En 1916 ils furent placés tous les deux en résidence surveillée en Thuringe.
• Quelques documents concernant la fratrie H,JL et M sont accessibles via le menu zoom.

-Henri STROH et Marie-Anne GUEYLARD ont eu trois enfants: Pierre, François et Bernard.
-Jean-Louis STROH et Maryse BAUDOIN ont eu quatre enfants: Georges V – sa page ici -, René, Anne-Marie et Denise.
-Madeleine STROH et Louis-Paul HORST n’ont pas eu d’enfant.

Tentative de synthèse

1. Deux fondements traversent ce récit: le protestantisme et le sentiment républicain.

• Dans les années 1848-1851, les Stroh faisaient partie des “rouges”!
• Le pasteur Dannenberger, royaliste convaincu, était l’exception.

2. Au delà de la Baronnie de Fenétrange puis de l’Alsace Bossue, la famille a des attaches dans le Bas-Rhin et dans le Haut-Rhin, avec:

• la famille ORTLIEB, de Ribeauvillé, une des plus anciennes familles d’Alsace.
• les familles parentes des DANNENBERGER, de notables et de nobles, qui nous lient à la République Libre de Strasbourg, au Saint Empire Germanique, et jusqu’aux Alamans, Etichonides et Leutharius 1er d’Alémanie.

3. Plus anecdotique, notre cousin J.Hatt a démêlé les couloirs du temps pour établir que Brant, Charlemagne, Rollon le Viking, les ducs de Bretagne, les comtes de Toulouse, la Maison des Hasbourgs … etc, étaient de nos ascendants.

4. Notre milieu social était un mixte de familles rurales et de notables. On retrouve le même schéma avec les Delmas d’Eymet en Dordogne dans la deuxième moitié du XIXème siècle.

5. Notre famille Stroh a vécu les aléas qui ont marqué l’Alsace, depuis l’introduction de la Réforme -à Ottwiller en 1572- jusqu’à aujourd’hui. Madeleine Stroh-Horst a participé à sa manière à la réconciliation franco-allemande en traduisant nombre de textes Alemaniques, de Sébastien Brant, son ancêtre, dont elle fit la première traduction en 1977 de la « Nef des fous » (best-seller du Moyen Âge, paru en 1494) mais aussi de Geiler de Kaysersberg et d’Albert Schweitzer.

Fragments de mémoire …

• Un de nos ancêtres Stroh quitte la Lorraine (la baronnie de Fénétrange), catholique , pour l’Alsace bossue, protestante, au milieu du XVIIeme siecle,
• Jean Stroh, installé à Ottwiller, porte la demande de rattachement des communes voisines à la toute nouvelle République française, demande qui sera acceptée par la Convention et actée par le décret du 1er février 1793, confirmé par la paix de Lunéville de 1801. Le district de Sarre-Union est créé en 1790.
• Épisode héroïque du pasteur Dannenberger en 1815, raconté dans les “Veillées alsaciennes” d’Erckmann-Chatrian. Pasteur de Vendenheim, Il sauva la vie de 18 otages catholiques d’un village voisin.
• Chrétien Ritzenthaler, mari de Mathilde Ortlieb, viticulteur à Ribeauvillé, crée une entreprise de transports pour aller de la toute nouvelle gare ferroviaire située à 4-5 Kms au centre ville.
• La présence du républicain Jean Macé au « petit Château » de Beblenheim où il eut comme élèves Mathilde et Émilie Ortlieb, et aussi la tante de Louis-Paul Horst, Marie Pétri, grande amie de Mathilde.
• Vers 1860 le jeune Charles Wagner arrive à Ottwiller avec sa famille. Les grands-mères de Georges IV Stroh et de Charles Wagner étaient sœurs. Il fondera en 1907 le Foyer de l’Ame à Paris, aujourd’hui l’une des deux paroisses protestantes « libérales » de Paris.
• En 1872 Georges Stroh III et sa femme, Louise Dannenberger optent pour la France pour que leur fils, né en 1853, ne fasse pas son service militaire allemand.
• En 1915, le pasteur Louis-Paul Horst, époux de Madeleine Stroh depuis 1913, est emprisonné à Colmar pour avoir refusé de prier pour le Kaiser et Madeleine est reléguée à Dresde.
• Jean-Louis Stroh passe 4 ans sur le front de la 1ere guerre mondiale : la Somme, le Chemin des Dames et jusqu’au Piave en Italie, face aux Autrichiens, ou il fut blessé.
• En 1931, Louis-Paul Horst et Madeleine Stroh, prennent en charge la paroisse Saint-Nicolas, centre du protestantisme libéral à Strasbourg.
• En 1939 des milliers de Strasbourgeois sont évacués dans le Sud-Ouest: Jean-Louis Stroh et sa famille vont à Périgueux, Madeleine et Louis-Paul Horst (avec Émilie Orlieb et Mathilde Ritzenthaler) près de Bergerac, dans la maison familiale Gueylard de Lamouthe,
  rachetée avant la guerre par Henri Stroh, mari de Marie-Anne Gueylard.
• Le 25 mars 1944 Henri Stroh est arrêté par la Gestapo dans son bureau au Creusot. Il est déporté à Buchenwald. On perd sa trace à sa sortie du camp en 1945. En 1947, il est déclaré mort pour la France par le tribunal d’Autun.

En MOSELLE :

Fénétrange et le village de Mittersheim d’où sont issus nos ancêtres cultivateurs et maire seigneuriaux, Abraham et ses fils.

En ALSACE :

dans le Bas-Rhin

• la tannerie Stroh à Ottwiller et le Strohhof,
• les maisons Wehrung à Drulingen,
• le relais de poste dans la côte de Metting,
• le cimetière d’Herbitzheim (Fritz Stroh et sa branche familiale),
• la rue de la Monnaie à Strasbourg et l’église St Nicolas (pasteurs Louis et Louis-Paul Horst, A. Schweitzer…),
• le cimetière St Gall, à Koenigshoffen, qui fut longtemps le cimetière protestant. S’y trouvent les tombes de Georges Stroh IV, mort en 1926 (tombe perpétuelle) et de tante Madeleine et oncle Louis-Paul Horst ( tombe Pétri, la mère de Louis-Paul Horst).

dans le Haut-Rhin

• Ribeauvillé et Riquewihr, sur les traces des Ortlieb,
• Beblenheim, le “petit château” (Jean Macé),
• Horbourg, chez la marraine de tante Madeleine.

À PARIS :

• Au Cimetière du Père-Lachaise: tombe (perpétuelle) de Georges Stroh III (mort en 1898) et de son épouse Louise Dannenberger. Rénovée en 2009,
• Le Temple de Foyer de l’Âme, construit en 1907 par le pasteur Charles Wagner, cousin issu de germains de Georges Stroh IV qui opta pour la France en 1872.

Google map des lieux …